Avec les étudiants de HEC Paris
Par Béatrice le samedi 18 septembre 2010, 16:38 - Conférences Interventions - Lien permanent
Jeudi dernier, j’étais avec des étudiants de la Majeure Alternative Management de HEC Paris. J'avais été invitée, il y a deux ans, par Roland Vaxelaire pour témoigner de mon parcours au sein de l'entreprise alternative qu'est Oxalis.
L’intention, cette année, était d’expérimenter une prise de décision
collective consensuelle. Je salue ici la démarche d'Eve Chiapello
et Denis
Bourgeois, responsables de la Majeure qui mettent en cohérence les contenus
de la formation avec la pédagogie. En effet, en proposant mon intervention, ils
ont accepté de prendre le risque de mettre en débat et de décider
collectivement avec les étudiants de la notation de leurs épreuves
collectives.
Certes, dans le temps imparti, nous n’avons pu décider que sur une partie du
sujet. Pour autant, ce qui a été échangé ouvre le champ à d’autres séquences
participatives. J’ai été séduite par la maturité des étudiants, qui tout à leur
septicisme sur la capacité à prendre des décisions consensuelles, ont soulevé
de nombreuses questions. Cela me ravit car il aurait été triste de donner des
réponses toutes faites et des solutions miracles.
L’important, dans l’apprentissage est de se poser des questions, de vivre des
expériences et d’en tirer des enseignements pour soi. J’ose espérer avoir pu
leur transmettre quelques méthodes pour vivre des démarches participatives.
Ainsi au préalable, nous avons mis en place les conditions favorables à une participation co-constructive.
Nous avons vécu quelques unes de ces étapes dans un temps «miniaturisé». Le
temps a manqué pour prendre du recul, sortir du contenu et revenir sur le
processus afin de tirer tous les enseignements de l’expérimentation. Je l’ai
regretté car le processus a permis d’expérimenter les différentes phases avec
une réelle acuité.
L’enjeu était que les notes mises lors des travaux de groupe soient équitables
et ajustées. Un travail en 4 groupes de 5 personnes a constitué un premier
niveau de débat pour faire des propositions. Celles-ci ont été mises en commun
et une discussion s’en est suivie pour formuler collectivement l’énoncé d’une
décision à prendre.
L’expérience est toujours intéressante, quoique déstabilisante pour les
participants, car il s’agit de construire et de déconstruire. C’est une
démarche interactive où l’on appréhende la complexité. En distinguant
les différents niveaux d’intervention (processus pour mettre la note, la note
elle-même, qui note, quels critères…), on voit que la décision est multiple.
Nous avons choisi de la limiter en se recentrant sur l’enjeu (une note
équitable). Le débat est ensuite organisé de façon à ce que chacun s’exprime,
dans un ordre précis, selon les nuances de sa position rendue visible par des
cartons de couleurs.
Certes, la décision prise semblait être une évidence. Sauf que, dans ce type de
démarche, c’est tant l’échange (porteur de créativité - même si cela passe par
un moment de chaos) que le résultat qui compte. Des portes s’ouvrent,
des choses sont appropriées plutôt qu’imposées.
Là où le sujet était intéressant, c’est qu’il était porteur d’une ambiguïté :
le souhait d’une formation qui s’adresse à des étudiants en posture adulte,
co-responsables tout en étant dans des processus de notation et de contrôle.
Cette ambiguïté se gère en mettant du sens à l’intention et au cadre. Par
ailleurs, comme l’a souligné Denis Bourgeois, l’expérience se situe dans un
contexte où les protagonistes sont tous engagés mais à des niveaux différents.
Il est, avec sa collègue Ève, éthiquement responsable de délivrer un diplôme de
qualité et de dispenser pour cela une formation adéquate tandis que les
étudiants sont engagés pour recevoir une formation et en obtenir un diplôme. Ce
rapport «donner-recevoir» se transforme quelque peu par un raisonnement en
«co-responsabilité». «Je suis
responsable de ce que j’apprends et je suis responsable de ma posture au sein
du groupe, qui est lui-même vecteur de mon apprentissage».
Il a été effleuré l’idée que la notation passe par une auto-évaluation ou une
co-évaluation, mais le sujet est resté en suspens, essentiellement par manque
de temps.
Un autre thème sous-jacent est le placement du curseur entre individu et
collectif. Il est, de mon point de vue, déterminé par la capacité à être tout à
la fois autonome («je construis mon parcours de vie à travers la
formation») et co-responsable («je suis responsable de ce que
j’apprends et je suis responsable de participer à la vie d’un groupe, support à
ma formation»).
Nous avons aussi considéré la place du leader (en l’occurrence ici les
responsables de la formation), qui s’engagent pleinement dans le processus.
Sans cela, il ne serait pas possible de s’exprimer en sécurité et planerait le
doute que la démarche ne soit qu’une manipulation. Nous avons vu aussi le
rôle
de l’animatrice (que j’ai rempli) qui est garante du processus et du sens,
qui facilite la reformulation. Si l’animateur est concerné par les contenus de
la décision, il lui est difficile d’endosser les deux rôles (participant et
animateur).
Je souhaite aux étudiants de cette Majeure de pouvoir continuer à
avancer à partir de ces amorces d’échanges qui peuvent se révéler passionnants
et transférables à d’autres situations.
Je les invite à puiser dans leurs expériences pour analyser ce qui facilite ou
pas une discussion ainsi qu’une prise de décision consensuelle.
Quelques
outils supports à mon intervention : "Inclusion Controle Ouverture" "Processus de prise de décision",
"Partage de représentations", "Sens Processus
Contenu".